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Soigner l'adulte en aidant l'enfant intérieur

L’enfant intérieur est présent chez tout adulte. Il est cette partie de nous qui semble n’avoir pas grandi. Il est nous, enfant, cet enfant que nous étions et qui demeure à jamais caché en nous. Il est aussi ce Moi enfant qui a eu besoin d’aide à une époque, mais qui n’en a pas eu. Il est ce Moi qui n’a pu exprimer, verbaliser, une souffrance, une peine, un mal-être, et qui aujourd’hui, le cristallise, tel un grain de sable dans une mécanique, sous forme d’angoisse, de phobie ou de syndrome dépressif. Certains le désignent sans le savoir en évoquant cette « âme d’enfant » jamais perdue, d’autres subissent parfois sa présence lors de grands moments émotionnels qu’ils n’arrivent pas à contenir. Mais tous, au fond, le ressentent, à un moment où l’autre de leur vie, la plupart du temps sans en avoir conscience ou sans vouloir le prendre en compte. Il parfois gênant voire insupportable de réaliser que c’est l’enfant en soi qui tient la barre. Il arrive en effet qu’il prenne chez certains une place prépondérante, les empêchant ainsi d’accéder au Moi adulte. Que faire alors de ce qu’ils considèrent comme un intrus envahissant ?

Pour commencer, l’enfant intérieur n’est pas un intrus : il fait partie intégrante du psychisme de chaque individu. Le problème se pose, pour le Moi adulte, lorsque cet infant intérieur décide de prendre les commandes, au risque de devenir omniprésent. Il prend alors toute la place au sein du fonctionnement psychique et relègue le Moi adulte en position de spectateur passif. Il s’agit en général de moments où l’adulte se retrouve saisi d’une terreur inexpliquée, d’une angoisse massive inadaptée, d’une émotion excessive (colère, par exemple), en apparent décalage avec la situation actuelle. Cet événement déclenche une réaction en chaîne qui dépasse l’adulte, le submerge, mais qui, une fois décryptée, montre son lien avec un ressenti infantile brutalement ramené à la surface par la situation actuelle. Cet événement a touché l’enfant intérieur, car il l’a emmené loin en arrière, dans un vécu et des émotions le plus souvent non verbalisés voire non conscientisés.

Dans ces instants-là, la panique envahit le Moi adulte qui se sent dépossédé de son propre contrôle et ce, sans savoir par quoi. En réalité, nulle panique à avoir, il ne s’agit que de l’enfant intérieur qui, enfin, parvient à lancer un appel au conscient, exactement comme le fait l’inconscient en envoyant du symptôme au conscient pour l’alerter. L’enfant intérieur ne cherche alors qu’à attirer l’attention du Moi adulte sur l’une des problématiques ou souffrances qu’il porte en lui depuis l’enfance sans jamais avoir pu la soigner et qui se trouve réactivée parfois (voire quotidiennement) dans sa vie d’adulte, pouvant provoquer des réactions gênantes voire très handicapantes (crises de larmes incongrues et incontrôlées, en réunion ou face à un chef, par exemple). Il lance un appel à l’aide pour qu’enfin sa souffrance soit prise en compte et pour que quelqu’un la lui enlève. Cette souffrance n’a pas été perçue par les adultes qui l’entouraient lorsqu’il était enfant – si elle l’a été, nul ne s’en est soucié. Soit les adultes en question n’ont véritablement pas pu percevoir ce mal-être (par manque de capacités psychiques et affectives, ou absorbés par leur propre souffrance), soit ils en étaient conscients mais ont refusé de s’en occuper, en étant eux-mêmes l’un des facteurs principaux (dans le cas de maltraitances, notamment). C’est alors à l’enfant, seul, de gérer ses angoisses, ses peurs, sa dépression, voire son traumatisme. Etant donné qu’il n’est ni en âge de les identifier, ni en capacité de les verbaliser, il va, sans le savoir, les laisser se cristalliser quelque part en lui. Arrivé à l’âge adulte, devenu un enfant intérieur, il récupérera ce noyau de souffrance cristallisé autour de certaines problématiques-clefs qui réactiveront cette souffrance à la moindre confrontation à celles-ci dans sa vie d’adulte. Nul besoin de traumatisme tel que défini par la psychotraumatologie pour abîmer le Moi enfant et l’empêcher de céder la place au Moi adulte. Un sentiment précoce d’abandon ou de rejet est souvent à l’origine de cette cristallisation du Moi enfant et son envahissement du Moi adulte. Il se peut aussi qu’il ait vécu une rupture psychique, quelle qu’elle soit, sans avoir pu la verbaliser ni se faire aider, et qui ait provoqué ce sentiment d’abandon. Cette rupture peut très bien être un divorce, l’arrivée d’un petit frère ou d’une petite sœur. Cela peut également être un événement traumatogène issu de maltraitances, ou d’un décès.

L’envahissement du Moi adulte par l’enfant intérieur peut d’ailleurs se produire de manière subite, suite à la reviviscence de l’événement initial : maltraitance à l’âge adulte, rupture amoureuse, difficultés relationnelles au travail, … Mais que ce soit de manière subite ou progressive, cette « prise de pouvoir » par l’enfant intérieur génère des symptômes inexpliqués et souvent inexplicables en restant dans le présent adulte. Elle suscite un ensemble de comportements et réactions inadaptées à un être adulte. Ce sont en général ces symptômes qui suscitent la demande d’aide de la part de l’adulte qui se sent totalement dépassé par lui-même. Il ne s’agit pas alors de fermer la porte à cet enfant intérieur qui hurle, mais bien plutôt de la lui ouvrir enfin, en favorisant le dialogue entre le Moi adulte et le Moi enfant. Permettre à l’enfant intérieur de poser des mots sur l’anciennement indicible ou incompris, lui donner l’occasion de dire combien il avait mal et combien cette souffrance est demeurée ancrée en lui, peut tout simplement libérer l’adulte de tous ces symptômes envahissants. Oui, l’enfant intérieur a besoin, même des années après avoir souffert en silence, de verbaliser son chagrin, sa colère ou sa peur. Mais pour cela, il faut le lui autoriser. Parole et pensée sont souvent censurées, même à l’âge adulte, et pour faire parler l’enfant intérieur, il faut empêcher toute censure. L’on peut observer très souvent, en tant que thérapeute, combien il est difficile pour nos patients de s’autoriser à être en colère et à le dire, plus particulièrement contre ses propres parents. Il leur est souvent difficile d’émettre le moindre sentiment perçu comme négatif à l’égard de leur père et mère, car c’est pour eux comme une condamnation de leur travail de parents. Nos patients ont souvent peur de juger leurs propres parents, en osant dire une colère, un chagrin ou une angoisse dont ces parents seraient à l’origine. Pourtant c’est ce dont a besoin l’enfant intérieur. Il ne cherche ni à juger ni à condamner, mais seulement à s’exprimer sans tabou. Pour cela, il a besoin d’être rassuré, contenu, écouté par le Moi adulte. Il est important de pouvoir établir une sorte de dialogue intérieur entre le Moi adulte et le Moi enfant, afin de faciliter l’expression de sa souffrance, par ce dernier.